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Eléments de contentieux de l'entreprise
13 octobre 2019

RUPTURE DES POURPARLERS

ARRÊT   MANOUKIAN

 

Cour de cassation    chambre commerciale        26 novembre 2003           N° 00-10243 00-10949 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 1999), que la société Alain Manoukian a engagé avec les consorts X... et Y... (les consorts X...),, actionnaires de la société Stuck, des négociations en vue de la cession des actions composant le capital de cette société ; que les pourparlers entrepris au printemps de l'année 1997 ont, à l'issue de plusieurs rencontres et de divers échanges de courriers, conduit à l'établissement, le 24 septembre 1997, d'un projet d'accord stipulant notamment plusieurs conditions suspensives qui devaient être réalisées avant le 10 octobre de la même année, date ultérieurement reportée au 31 octobre ; qu'après de nouvelles discussions, la société Alain Manoukian a, le 16 octobre 1997, accepté les demandes de modification formulées par les cédants et proposé de reporter la date limite de réalisation des conditions au 15 novembre 1997 ; que les consorts X... n'ayant formulé aucune observation, un nouveau projet de cession leur a été adressé le 13 novembre 1997 ; que le 24 novembre, la société Alain Manoukian a appris que les consorts X... avaient, le 10 novembre, consenti à la société Les complices une promesse de cession des actions de la société Stuck ; que la société Alain Manoukian a demandé que les consorts X... et la société Les complices soient condamnés à réparer le préjudice résultant de la rupture fautive des pourparlers ;

Sur le moyen unique du pourvoi formé par les consorts X..., pris en ses deux branches :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de les avoir condamnés à payer à la société Alain Manoukian la somme de 400 000 francs à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1 / que la liberté contractuelle implique celle de rompre les pourparlers, liberté qui n'est limitée que par l'abus du droit de rompre qui est une faute caractérisée par le fait de tromper la confiance du partenaire ; que la cour d'appel, qui n'a relevé aucun élément à la charge du cédant de nature à caractériser un tel comportement, contraire à la bonne foi contractuelle, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;

2 / que celui qui prend l'initiative de pourparlers en établissant une proposition d'achat de la totalité des actions d'une société, soumise à plusieurs conditions suspensives affectées d'un délai de réalisation, et qui ne manifeste aucune diligence pour la réalisation de ces conditions, ne saurait imputer à faute la rupture par son partenaire des pourparlers, après l'expiration de ce délai, de sorte que la cour d'appel, en statuant comme elle l'a fait, a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir relevé, d'un côté, que les parties étaient parvenues à un projet d'accord aplanissant la plupart des difficultés et que la société Alain Manoukian était en droit de penser que les consorts X... étaient toujours disposés à lui céder leurs actions et, d'un autre côté, que les actionnaires de la société Stuck avaient, à la même époque, conduit des négociations parallèles avec la société Les complices et conclu avec cette dernière un accord dont ils n'avaient informé la société Alain Manoukian que quatorze jours après la signature de celui-ci, tout en continuant à lui laisser croire que seule l'absence de l'expert-comptable de la société retardait la signature du protocole, la cour d'appel a retenu que les consorts X... avaient ainsi rompu unilatéralement et avec mauvaise foi des pourparlers qu'ils n'avaient jamais paru abandonner et que la société Alain Manoukian poursuivait normalement ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel ayant relevé, par un motif non critiqué, que les parties avaient, d'un commun accord, prorogé la date de réalisation des conditions suspensives, le moyen pris de la circonstance que la rupture des pourparlers aurait été postérieure à cette date est inopérant ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le premier moyen du pourvoi formé par la société Alain Manoukian :

Attendu que la société Alain Manoukian fait grief à l'arrêt d'avoir limité à 400 000 francs la condamnation à dommages-intérêts prononcée à l'encontre des consorts X... alors, selon le moyen, que celui qui rompt brutalement des pourparlers relatifs à la cession des actions d'une société exploitant un fonds de commerce doit indemniser la victime de cette rupture de la perte de la chance qu'avait cette dernière d'obtenir les gains espérés tirés de l'exploitation dudit fonds de commerce en cas de conclusion du contrat ; qu'il importe peu que les parties ne soient parvenues à aucun accord ferme et définitif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les consorts X... avaient engagé leur responsabilité délictuelle envers la société Alain Manoukian en rompant unilatéralement, brutalement et avec mauvaise foi les pourparlers qui avaient eu lieu entre eux au sujet de la cession des actions de la société Stuck exploitant un fonds de commerce dans le centre commercial Belle Epine ; qu'en estimant néanmoins que le préjudice subi par la société Alain Manoukian ne pouvait correspondre, du seul fait de l'absence d'accord ferme et définitif, à la perte de la chance qu'avait cette société d'obtenir les gains qu'elle pouvait espérer tirer de l'exploitation du fonds de commerce et en limitant la réparation du préjudice subi par la société Alain Manoukian aux frais occasionnés par la négociation et aux études préalables qu'elle avait engagées, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que les circonstances constitutives d'une faute commise dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels ne sont pas la cause du préjudice consistant dans la perte d'une chance de réaliser les gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat ;

Attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit qu'en l'absence d'accord ferme et définitif, le préjudice subi par la société Alain Manoukian n'incluait que les frais occasionnés par la négociation et les études préalables auxquelles elle avait fait procéder et non les gains qu'elle pouvait, en cas de conclusion du contrat, espérer tirer de l'exploitation du fonds de commerce ni même la perte d'une chance d'obtenir ces gains ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen du même pourvoi :

Attendu que la société Alain Manoukian fait encore grief à l'arrêt d'avoir mis hors de cause la société Les Complices alors, selon le moyen, que le seul fait pour l'acquéreur de garantir par avance le vendeur de toute indemnité en cas de rupture des pourparlers auxquels ce dernier aurait pu se livrer avec un tiers antérieurement constitue une faute dont l'acquéreur doit réparation envers la victime de la rupture des pourparlers dès lors qu'une telle garantie constitue pour le vendeur, et pour le profit de l'acquéreur, une incitation à rompre brutalement des pourparlers, fussent-ils sur le point d'aboutir, sans risque pour lui ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'aux termes de la convention de cession liant les consorts X... à la société Les complices, celle-ci s'était engagée à garantir les vendeurs de toute indemnité que ceux-ci seraient éventuellement amenés à verser à un tiers pour rupture abusive des pourparlers ; qu'en considérant néanmoins que la société Les complices, dont les juges du fond ont constaté qu'elle avait profité des manoeuvres déloyales commises par les consorts X... à l'encontre de la société Alain Manoukian, n'avait commis aucune faute envers la société Alain Manoukian, victime de la rupture brutale des pourparlers qu'elle avait engagés avec les consorts X..., peu important qu'il n'ait pas été démontré que la société Les complices avait eu connaissance de l'état d'avancement de ces pourparlers, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que le simple fait de contracter, même en connaissance de cause, avec une personne ayant engagé des pourparlers avec un tiers ne constitue pas, en lui-même et sauf s'il est dicté par l'intention de nuire ou s'accompagne de manoeuvres frauduleuses, une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur ;

Attendu qu'ayant relevé que la clause de garantie insérée dans la promesse de cession ne suffisait pas à établir que la société Les Complices avait usé de procédés déloyaux pour obtenir la cession des actions composant le capital de la société Stuck, ni même qu'elle avait une connaissance exacte de l'état d'avancement des négociations poursuivies entre la société Alain Manoukian et les cédants et du manque de loyauté de ceux-ci à l'égard de celle-là, la cour d'appel a exactement décidé que cette société n'avait pas engagé sa responsabilité à l'égard de la société Alain Manoukian, peu important qu'elle ait en définitive profité des manoeuvres déloyales des consorts X... ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

 

 

ARRÊT  SAGEM

 

Cour de cassation      chambre commerciale      18 septembre 2012        N° 11-19629 


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sagem défense sécurité (la société Sagem) a signé avec la société Paul Boyé technologies (la société Boyé) un contrat de sous-traitance portant sur un marché de définition d'une tenue de combat conclu avec la délégation générale de l'armement (la DGA) ; qu'au cours des années 2003 et 2004 la société Sagem et la société Boyé sont entrées en relations en vue de la sous-traitance du marché de réalisation de ces tenues ; que le 24 novembre 2004 la société Sagem, qui avait obtenu ce marché de la DGA, a informé la société Boyé de ce qu'elle n'était pas retenue pour sa sous-traitance ; que la société Boyé l'a assignée en réparation des préjudices en résultant ; 

Sur le premier moyen : 

Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; 

Mais sur le second moyen : 

Vu l'article 1382 du code civil ; 

Attendu que pour condamner la société Sagem à payer à la société Boyé la somme de 10 000 000 d'euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que les fautes de la société Sagem ont fait perdre à la société Boyé une chance sérieuse d'être désignée en qualité de sous-traitant et que cette société ne peut solliciter que des dommages-intérêts du fait de la rupture injustifiée des pourparlers qui lui a fait perdre toute chance d'exécuter le contrat de réalisation en qualité de sous-traitant de la société Sagem ; 

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'ayant retenu que la faute de la société Sagem consistait dans la rupture abusive de pourparlers au préjudice de la société Boyé, elle ne pouvait pas indemniser celle-ci de la perte d'une chance de réaliser les gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ; 

PAR CES MOTIFS : 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle a condamné la société Sagem défense sécurité à payer la société Paul Boyé technologies une somme de 10 000 000 d'euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 26 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

 

ARRET   NORIMMO

 

Cour de cassation    chambre civile 3           7 janvier 2009                N° 07-20783 


Sur le moyen unique : 

Vu l'article 1382 du code civil ; 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 25 septembre 2007) que, par acte du 21 juillet 1997, la société civile immobilière Norimmo (SCI) a donné à bail commercial, un immeuble à la société Regal Lezennes ; qu'en décembre 2002, M. X... s'est présenté à la SCI pour négocier la cession du bail ; que la SCI a donné son accord à la cession sous réserve de certaines conditions ; que la société Animal Food and System (AFS) est intervenue dans la négociation ; que la SCI a finalement refusé le projet mis au point entre la société Regal Lezennes et la société AFS ; que la société Regal Lezennes a assigné la SCI et la société AFS afin d'obtenir la réparation des préjudices subis du fait de la rupture des pourparlers précontractuels ; 

Attendu que pour accueillir la demande l'arrêt retient, par motifs adoptés, que d'une part, la société Regal sollicitait la somme de 250 000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive et en réparation du préjudice créé du fait du défaut d'exploitation du local, que d'autre part, par la réalisation de ce droit au bail, la société AFS faisait l'acquisition d'un immeuble particulièrement bien placé dans l'une des plus importantes zones de chalandise situé au voisinage immédiat de la métropole lilloise en vue de réaliser une nouvelle implantation et remplacer à l'identique une implantation perdue par éviction dans un autre centre commercial de la métropole lilloise à compter de janvier 2004, qu'elle indiquait également avoir subi depuis la date où elle aurait dû prendre les lieux un préjudice indiscutable du fait de l'impossibilité dans laquelle elle avait été d'ouvrir le nouvel établissement qu'elle souhaitait adjoindre à sa chaîne, que le tribunal disposait des éléments suffisants pour évaluer le préjudice de la société Regal Lezennes à la somme de 250 000 euros et celui de la société AFS à celle de 150 000 euros ; 

Qu'en statuant ainsi alors que la faute commise dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels ne peut être la cause d'un préjudice consistant dans la perte de chance de réaliser des gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 

PAR CES MOTIFS : 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la SCI Norimmo à payer la somme de 250 000 euros à la société Regal Lezennes et celle de 150 000 euros à la société AFS, l'arrêt rendu le 25 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ; 

 

 

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